L'inscription à notre répertoire des Vêpres de Sergei Rachmaninov est l'opportunité de présenter la vie et l'oeuvre de ce grand compositeur.

"La seule condition requise pour recevoir le message de Rachmaninoff est la sincérité; la sincérité et l'absence de tout pédantisme; la sincérité et le consentement à l'ivresse qui nous emporte. Rachmaninoff était le dernier des grands poètes russes du piano, le dernier des musiciens inspirés - car en ce temps-là le mot inspiration avait un sens."
[Vladimir Jankélévitch]


Biographie de Sergei V.Rachmaninov (1873-1943)

Sergeï Vassilievitch Rachmaninov, chef d'orchestre, pianiste virtuose et compositeur, est né le 1er avril 1873 à Oneg, près de Novgorod, dans une famille aristocrate russe. Son père, Vassili Rachmaninov, était officier et devint propriétaire terrien, grâce à la dote que lui apporta en mariage Lubov Rachmaninov, fille d'un riche général, la mère de Sergeï. Vassili Rachmaninov dilapida presque tous les biens familiaux et ils durent déménager à St-Pétersbourg. D'un point de vue social et religieux, l'époque ne permettait pas au couple de divorcer, malgré l'état de discorde dans lequel se trouvait leur relation. Vassili abandonna donc sa famille.

Voici une vidéo Biographique réalisée à partir de textes de Rachmaninov.




      Rachmaninov entra au Conservatoire de St-Pétersbourg à l'âge de 9 ans. Élève dissipé et paresseux, il frôla le renvoi en 1885. Sa mère l'envoya au Conservatoire de Moscou. Il y suivit des cours de piano avec Nikolai Zverev et Alexander Siloti, de contrepoint avec Tanaeïev, d'harmonie et de composition avec d'Arenski. Zverev prenait chez lui les élèves les plus doués, pour leur donner une intense formation au piano. Il prit Rachmaninov sous son aile, de même qu'Alexandre Scriabine, qui lui aussi allait devenir un grand compositeur russe. En plus de s'occuper de leur formation pianistique et culturelle, Zverev invita de grandes personnalités. Sergeï rencontra ainsi les compositeurs Piotr Tchaïkovski et Alexandre Glazounov, ainsi que le virtuose de piano Anton Rubinstein. En 1891, il passa son examen final de piano et l'obtint. Il gagna l'année suivante un concours de composition avec sa pièce pour orchestre Aleko. Peu après. Il composa à cette époque son fameux Prélude pour piano, une œuvre qu'il allait être condamné à jouer inlassablement en concert toute sa vie, qu'il détestait et pour laquelle il ne toucha pas le moindre argent, ayant omis de déposer un copyright dessus!


     

 De 1893 à 1899, il connut une période trouble. Elle commença avec la mort de Zverev et de Tchaïkovski, qui avait été pour lui un ami secourable. Il tomba amoureux d'Anna Lodjenska, une femme mariée, à qui il dédia sa première symphonie. La première représentation eut lieu à St-Pétersbourg, en mars 1897. Glazounov, le chef d'orchestre, était apparemment saoul lorsqu'il interpréta sa symphonie. L'œuvre fut mal interprétée et détruite par les critiques le lendemain. À cause de son échec, Rachmaninov fit une grave dépression nerveuse. C'est alors qu'il amorça une carrière de chef d'orchestre, abandonnant temporairement la composition, et suivit un traitement d'hypnose avec le docteur Niels Dahl, afin de traiter sa dépression. Grâce à ce traitement et au succès qu'il connut en Angleterre comme chef d'orchestre, Rachmaninov reprit confiance en lui et composa son concerto pour piano no2, une commande pour la Société philharmonique de Londres.


     En 1902, il épousa sa cousine, Natalia Satina, qui lui donna deux filles. Il dirigea de 1904 à 1906 l'Opéra impérial de Moscou. À l'occasion de sa première tournée aux États-Unis, Rachmaninov composa son troisième concerto pour piano, d'une virtuosité telle, que son dédicataire, Josef Hoffmann (l'un des plus grands pianistes du 20e siècle) dut renoncer à le jouer. Lorsque Rachmaninov l'interprétait, il avait les mains en feu et était incapable de jouer un rappel à la fin du concert. Il composa à la même époque sa deuxième symphonie, le poème symphonique L'île des morts, d'après la peinture d'Arnold Böcklin, Les cloches, d'après Edgar Poe, ainsi que les Vêpres.


     1917: la Russie était en guerre depuis près de trois ans. Dans son domaine d'Ivanovka, Rachmaninov rencontra l'hostilité de ses paysans. Conscient de la révolution qui se préparait, il chercha le moyen de quitter la Russie avec sa famille. La première révolution éclata en février 1917. Des grèves et des manifestations éclatèrent à Pétrograd, qui débouchèrent sur l'abdication du tsar et marquèrent la fin de la monarchie impériale autocratique. La révolution d'Octobre (ou bolchevique) est en fait un putsch de l'armée bolchevik contre le gouvernement provisoire à tendance libérale et démocratique. Entre 1900 et 1914, la Russie connut une envolée industrielle et devint un grand foyer intellectuel. Son visage changea radicalement, par opposition au régime féodal tsariste, où encore 85 % de la population était constituée de paysans. Ces "âmes" étaient libérées de leur servage depuis la réforme de 1861 par Alexandre II, mais leur misère restait la même, car ils ne travaillaient pas leurs propres terres, mais celles de propriétaires terriens. Déjà deux révoltes avaient contribué à saper le pouvoir tsariste: en 1825 et en 1905. Toutes deux avaient tenté de mettre en place une monarchie constitutionnelle, mais sans succès. La guerre meurtrière dans laquelle la Russie s'était engagée en 1914 fut le coup de grâce pour le tsar Nicolas II. La révolution de Février l'obligea à abdiquer. Lui et sa famille furent assassinés par les bolcheviks à Iekaterinbourg, en 1918.


     Le 23 décembre 1917, Rachmaninov quitta la Russie avec sa famille, prétextant une tournée de concerts en Suède. Il ne revit jamais plus son pays natal. En 1918, il se rendit aux États-Unis où il donna de nombreux concerts et fit des enregistrements pour la compagnie RCA. Au printemps 1926, il se rendit à Paris où il retrouva ses deux filles. L'aînée venait de perdre son mari et, afin de l'aider à surmonter son malheur, il créa une maison d'éditions musicales à Paris, dont le but était de publier les œuvres de compositeurs russes exilés et confia la direction à ses deux filles. En 1931, le compositeur signa son nom sur un manifeste anticommuniste publié dans le New York Times. Cette prise de position lui valut d'être renié par son pays, ainsi que son oeuvre.

     Rachmaninov composa très peu durant la période de son exil, se consacrant davantage à sa carrière de pianiste et de directeur d'orchestre, ce, dans le but de faire vivre sa famille. Il composa malgré tout quelques œuvres, dont la Rhapsodie sur un thème de Paganini, dans laquelle on retrouve une influence Jazz, sa Troisième symphonie et ses Danses symphoniques, d'un modernisme tardif.

     En 1939, à la veille de la guerre, il quitta la Suisse, où il avait une villa depuis 1930 et revint aux États-Unis. Ses dernières années furent marquées par l'angoisse de savoir ses deux filles en France, alors que les Nazis occupaient le pays et la tristesse de voir la Russie envahie par les Nazis. Il consacra à cette époque de nombreux concerts bénéfices à une fondation d'aide à la guerre en Russie. Sa générosité lui valut d'être réhabilité dans son pays. Il n'eut pas l'occasion de regagner son pays, car il mourut d'un cancer en 1943, à Berverly Hills.

     On reprocha beaucoup à Rachmaninov de n'avoir pas suivit les tendances modernes du 20e siècle. Son œuvre est très marquée par les Romantiques tels Chopin et Brahms. Dans une Russie révolutionnaire, il fut qualifié de "compositeur démodé", "d'imitateur", de "réactionnaire sans valeur". Ce jugement est celui d'une avant-garde qui ne lui pardonna jamais d'avoir fait preuve d'indifférence face aux tendances musicales du 20e siècle. Rachmaninov, sans chercher à se défendre, disait simplement que l'artiste devait être sensible à ce qu'il entendait en lui-même et le traduire fidèlement. Vladimir Askenazy, un grand pianiste qui nous est contemporain, dit de lui que s'il n'était pas apprécié à sa juste valeur, c'est que les sentiments qu'il exprime dans sa musique sont justes et troublants et que les auditeurs ne les acceptent que difficilement. Ses préludes opus 23 impressionnèrent grandement l'écrivain soviétique Gorki et son œuvre pianistique fut amplement diffusée par son ami Vladimir Horowitz (pianiste), qui le considérait comme le plus grand pianiste que le 20e siècle ait connu.

Les Vêpres op 37


Considérées comme l'un des sommets de la musique religieuse orthodoxe, les Vêpres de Rachmaninov ont été accueillies, dès leur création, par un succès triomphal, jamais démenti depuis. Ayant largement puisé dans le patrimoine musical russe, elles privilégient les tournures modales, archaïsantes, les harmonies de type populaire. Une grandiose pièce d'orfèvrerie chorale.

On peut avec quasi-certitude établir la genèse des «Vêpres» aux grands services religieux où Rachmaninov enfant entendit des chœurs majestueux ainsi qu’à l’admiration qu’il porte à la musique de Tchaïkovski. Sa «Liturgie de saint Jean Chrysostome» fut en quelque sorte le moteur qui amena Rachmaninov à composer ses «Vêpres».


De la christianisation en 988 jusqu’au 17e siècle, la musique religieuse russe était calquée sur l’idéal byzantin, fondé sur le système de huit tons des musiciens byzantins. La polyphonie fit son entrée dans les églises par la suite grâce à l’arrivée du patriarche Nikon. Ce n’est que vers la fin du 19e siècle, sous l’égide de Stepan Smolenski, qu’on assistera à une renaissance de ces anciens genres monodiques. Rachmaninov étudiera d’ailleurs ces anciens textes liturgiques avec Smolenski et dédiera les «Vêpres» à sa mémoire.


Le titre russe Vsenoshchnoye Bdeniye signifie littéralement «la grande louange du soir et du matin». La traduction française par «vêpres» ne concerne en fait qu’un aspect du mot. Les «Vêpres» représentent la principale œuvre de musique religieuse du compositeur. Rachmaninov les aimait beaucoup. Après «Les Cloches», c’est, disait-il, celle de ses œuvres qu’il préférait. Il avait une certaine prédilection pour le cinquième hymne qu’il avait prévu pour son propre enterrement; quant au neuvième chant, il le cita en 1936 dans le finale de sa dernière symphonie.

 

 

Voici le texte et la traduction de l'opus 37 Bogoro ditse Dievo que nous étudions :

 

Bogoro ditse Dievo, raduisia, blagodat naia Marie, Gospod s toboiu: blagosloviena ty v enah, i blagoslovien plod tchrieva tvoiego, iako Spasa rodila iesi du  na ih.

Ô Vierge Marie, toi qui as enfanté (le Christ qui est) Dieu, réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. Tu es bénie entre toutes les femmes et béni est le fruit de tes entrailles : le Sauveur de nos vies que tu as enfanté.

 


Pour finir, voici une vidéo qui vous permettra de travailler l'opus 37. Utiliser le mode "plein écran" pour travailler. Au plaisir de vous entendre!
Bon chant!
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